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Ecoutes la Dordogne, j'ai des choses à t'écrire.
En admirant ta terre, où l'histoire champignonne,
Tandis que je passais, je n'ai pu repartir
Ailleurs; de toute façon, ne m'attendait personne.

Ce besoin que j'avais d'armures et de murailles
Enfouies dans mon enfance, ma tourbe de gamin,
Je l'ai vu resurgir dans ses moindres détails
Quand mes rêves buissonniers s'évadaient, le matin.

Tes limpides murmures, des siècles qui résonnent,
M'ont fait dresser l'oreille pour mieux les écouter.
J'entendais ricocher le passé qui fredonne,
Sur l'onde du présent, mes songes oubliés.

Leurs malles de châteaux et leurs legos de ruines,
Leurs donjons en bataille contre le temps qui passe
A côté de l'oubli et sa dague assassine;
Sanguine éternité qu'on peut suivre à la trace.

Du versant où je vis jusqu'au versant d'en face
Il y a la vallée où coulent les saisons.
Le soleil qui s'y couche semble laisser sa place
Aux étoiles traversant l'espace; d'un plongeon.

Va voir dans la forêt ce que l'arbre nous cache;
Tu n'en reviendras pas les mains au fond des poches.
Il est des discussions qui jamais ne nous fâchent;
Plus la fleur est légère, plus la cueillette est proche.

De cèpes à l'affût de la moindre ripaille.
Nous poussant, avant l'aube, à sortir le couteau
Et prendre une panière, disons, de bonne taille
Pour y mettre leur pied par dessous le chapeau.

Et tant d'autres saveurs nées de la gourmandise;
L'âme périgourdine se mangeant sans faim.
Le foie gras et la truffe, au confit, rivalisent
Pour se mettre d'accord sur le choix du festin.

Tout cela en un lieu inscrit sur mon destin
Où des châteaux de brumes flottent comme un mirage,
Que l'on peut visiter sur la carte des vins,
Où l'on peut revenir au temps du moyen-âge.

Ecoutes la Dordogne, elle t'apprend son langage,
Elle te donne son cours au détour d'un ruisseau.
Sur les flans des coteaux elle t'offre son image;
Une carte postale se passant de mots.


                                                                                                                9 mai 1997 12 heures 30
                                                                                           Eric Boyer